La préoccupation des parents, mais aussi des autorités, quant aux effets nocifs que peuvent avoir les médias et réseaux sociaux sur la santé des jeunes, particulièrement des adolescents, prend de l’ampleur.

 

Adolescente débordée par les smartphones

Adolescente débordée par les smartphones

 

Ainsi, le médecin-chef des États-Unis, Vivek MURTHY, a, dans un rapport publié en mai 2023, alerté avec vigueur sur le risque que les réseaux sociaux font peser sur la santé mentale et le bien-être « des adolescents qui sont dans une phase critique de leur développement cérébral ».

À la question la plus fréquemment posée par les parents, « les réseaux sociaux sont-ils sûrs pour mes enfants ? », sa réponse est la suivante : « nous n’avons pas suffisamment de preuves pour affirmer que c’est sûr. Et en fait, il y a de plus en plus de preuves que l’utilisation des médias sociaux est associée à des dommages à la santé mentale des jeunes ».

Soulignant que les États-Unis sont « au milieu d’une crise nationale de santé mentale chez les jeunes » dont un des facteurs important est les médias sociaux, il établit des recommandations, tant à l’égard des décideurs politiques que des entreprises technologiques, qu’il exhorte à agir pour donner la priorité à la sécurité et à la santé des enfants.

Le rapport est suffisamment alarmant pour que ses conclusions soient partagées par six organisations médicales majeures du pays et que la Maison blanche ait annoncé la création d’un nouveau groupe de travail consacré aux réseaux sociaux et à la façon dont ils affectent les mineurs.

En parallèle, des procédures sont menées pour dénoncer les effets nocifs des applications les plus connues.

Une plainte contre META, portée par 40 États, a ainsi été déposée devant un tribunal californien, au motif que l’entreprise de Mark Zuckerberg « a exploité des technologies puissantes et sans précédent pour attirer et finalement piéger les jeunes et les adolescents afin de faire des profits », en exploitant sciemment les effets addictifs de ses plateformes sur les plus jeunes.

L’Etat du Montana a, lui, promulgué une loi bannissant l’application Tik-Tok, laquelle est au centre des préoccupations d’Amnesty International. Dans un rapport publié le 7 novembre, l’association dénonce avec vigueur un modèle économique intrinsèquement abusif en ce qu’il privilégie la participation pour conserver l’attention du public. L’association a en effet établi la forte tendance du flux algorithmique de cette application à orienter ses abonnés vers des vidéos nocives pour la santé mentale, allant jusqu’à l’idéalisation du suicide : « les risques liés à Tik-Tok renforcent les difficultés des enfants et des jeunes aux prises avec la dépression, l’anxiété et l’automutilation en mettant leur santé mentale et physique en danger ».

Une plainte a d’ailleurs été déposée en France après le suicide de Marie, 15 ans, harcelée sur ce réseau social à cause de son poids.

D’autres plateformes sont, elles aussi, pointées du doigt pour leurs effets néfastes, au titre desquelles Snapchat, particulièrement addictif notamment pour les jeunes, et qui peut provoquer des troubles du sommeil, de la mémoire, de la sociabilité.

L’utilisation de filtres, comme sur Instagram, a quant à elle des conséquences sur l’image corporelle, pouvant aller jusqu’à une dégradation de l’image de soi et à la tentation de recourir à la chirurgie esthétique.

Un sondage BVA pour la fondation Jean Jaurès, réalisé en 2023 sur 1005 jeunes entre 18 et 25 ans, révèle ainsi que 2 personnes interrogées sur 10 pourraient avoir recours à la chirurgie esthétique, un quart chez les femmes, tant les réseaux sociaux font apparaitre des complexes (27%) voire un sentiment d’infériorité (21%).

TWITTER/X a pour sa part été condamné en Australie pour son manque d’action pour empêcher la diffusion de contenus montrant des agressions sexuelles sur mineurs, et fait l’objet de procédure en France pour cette même inertie par rapport à des contenus haineux et homophobes.

En parallèle, les mouvements citoyens se développent. Ainsi, en Espagne, un mouvement de parents originaires de Catalogne dont l’objectif est de stopper « la croissance inquiétante de l’utilisation incontrôlée des réseaux sociaux et d’internet » par les jeunes s’est répandu dans tout le pays, prenant une dimension politique. Officiellement soutenus par l’Agence espagnole de protection des données, ils sont aussi rejoints par l’Ordre des médecins madrilènes, qui rappelle les preuves scientifiques des dommages neurologiques liés aux écrans chez les plus jeunes : « pertes de mémoire, difficulté de compréhension, diminution de la capacité d’attention ».

L’Observatoire National de l’Activité Physique et de la Sédentarité dans son dernier rapport publié en 2022 émet la recommandation suivante : « sensibiliser les enfants/adolescents et leurs parents à l’impact de la sédentarité, et notamment des écrans, sur la santé générale (physique, mentale, sociale) et notamment sur le développement, le bien-être, le sommeil et la santé mentale de l’enfant, et pour cela :

  • développer une campagne nationale de prévention s’adressant aux enfants, aux adolescents et aux parents pour communiquer sur les risques potentiellement associés aux temps d’écran et de sédentarité prolongés,
  • présenter et rendre accessible un panel d’activités (activités physiques et activités sédentaires n’impliquant pas l’utilisation d’écran) comme alternatives pour tous les enfants et les adolescents, quel que soit leur niveau socio-économique, avec ou sans handicap ou besoin particulier. »

La dangerosité des médias sociaux, notamment pour les jeunes, est de moins en moins contestable, ce qui permet à Michel DESMURGET, docteur en neurosciences, d’établir un parallèle avec « le tabac réputé longtemps non dangereux, en particulier par les industriels du secteur, avant que ses conséquences dévastatrices sur la santé deviennent publiques ».