Bien que les impacts des écrans sur le développement des jeunes enfants soient connus et fassent l’objet de préconisations depuis des années, deux études réalisées récemment, par l’IFOP pour la Fondation pour l’enfance, et par l’INSEE, dans le cadre de l’Etude Longitudinale Française de l’Enfance (ELFE), montrent que les parents n’en ont pas pris l’entière mesure.
Médecins, généralistes, pédiatres et chercheurs soulignent le lien entre l’usage des écrans et les difficultés de développement des jeunes enfants.
Sur les 403 praticiens interrogés par l’IFOP, presque la moitié citent les nouvelles technologies comme un facteur impactant le développement des jeunes enfants, et 9 sur 10 jugent évident le lien entre l’usage des écrans et les difficultés de développement, en terme de troubles du comportement, du sommeil, de troubles de l’humeur, de l’addiction.
Une étude canadienne réalisée pendant la pandémie, en Nouvelle-Ecosse, souligne quant à elle que « chaque heure passée devant un écran à 3 ans et demi augmente les manifestations de colère un an plus tard ».
Il ressort de cette étude, menée pendant un an sur des enfants âgés de 3 et 4 ans, que « le temps passé devant un écran par les enfants d’âge préscolaire pendant la pandémie a peut être miné la capacité de réguler les émotions négatives, un élément clé de la compétence sociale et scolaire ».
Une prise de conscience partielle par les parents
L’enquête IFOP réalisée fin 2022 souligne l’existence d’une « sorte de dissonance cognitive chez les parents ».
Les parents identifient bien les risques des écrans, 65% estimant que leur usage impacte fortement le développement des jeunes enfants, en 4ème position après l’environnement affectif, le sommeil et les principes d’éducation.
Par contre, leur conscience de l’impact de leur propre utilisation des écrans sur leur enfant reste modérée.
De la même manière, si les parents sont vigilants quant à l’utilisation par leurs enfants des écrans et ont presque tous fixé une règle concernant cet usage, ils font preuve de moins de vigilance ou de difficultés pour contrôler leur propre pratique numérique.
L’existence d’un décalage entre les préconisations relatives aux écrans et la réalité dans les familles
Malgré les préconisations de maintien des enfants de moins de 3 ans éloignés des écrans et d’accompagnement très progressif de leur insertion dans leur quotidien les années qui suivent, le rapport de l’INSEE du 21 novembre 2022 souligne une réalité bien différente.
Si, à 2 ans, les trois quarts des enfants sont maintenus à distance des écrans numériques (hors télévision), dès l’âge de 3 ans et demie, plus de 4 sur 10 en utilisent régulièrement, ce chiffre passant à plus de la moitié à 5 ans et demi.
En définitive, seuls 4 enfants sur 10 sont durablement maintenus à l’écart des écrans dans les 6 premières années, et plus de 5 sur 10 augmentent, parfois fortement, leur temps d’écran.
À l’inverse, 1 sur 10 avaient une utilisation très développée avant 2 ans et voient leur consommation diminuer.
Les trajectoires de découverte des écrans varient fortement selon les caractéristiques sociales des familles, notamment leurs ressources culturelles et économiques, selon la place de l’enfant dans la fratrie, mais également, comme décrit dans l’enquête IFOP, selon les pratiques des parents, qu’elles soient individuelles ou partagées avec l’enfant avant ses 3 ans.
C’est ainsi que la « trajectoire de découverte à pente douce » préconisée notamment par l’Académie des Sciences, l’Académie de la Médecine, des Sciences et des Technologies et le Conseil de l’Education nationale, ne concerne que 4% des enfants, tandis que la « trajectoire de découverte à pente raide », vers une utilisation élevée ou très élevée à 5 ans et demie, concerne 16% des enfants.
L’étude souligne la reproduction intergénérationnelle des écrans, l’évolution des pratiques d’utilisation des enfants étant principalement liée aux exemples parentaux, et notamment aux pratiques numériques de la mère, dont l’influence est prépondérante.
La trajectoire des enfants dépend aussi beaucoup de la manière dont les parents, et notamment la mère, ont initié leurs enfants.
La nécessité de développer et améliorer les messages d’information et de sensibilisation aux impacts des écrans numériques sur les jeunes enfants
Si, globalement, les parents jugent les messages de prévention clairs, voire trop alarmistes, ils partagent avec les praticiens le sentiment que les messages sont trop généraux et peu adaptés aux particularités de chaque enfant.
83% des médecins interrogés estiment ainsi qu’il faut renforcer les campagnes d’information et de sensibilisation ; et un tiers seulement estiment que les parents sont suffisamment informés sur les étapes du développement cognitif et émotionnel de l’enfant et sur les impacts des usages numériques.
Pour approfondir ce sujet, vous trouverez ci-dessous une liste de liens :
https://www.ifop.com/publication/limpact-du-numerique-sur-les-enfants-de-0-a-6-ans/
https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2023/02/119329-Presentation-CP-1.pdf
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/journal-de-8-h/journal-de-8h-du-jeudi-02-fevrier-2023-5016318
https://www.insee.fr/fr/statistiques/6535295?sommaire=6535307
https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/6535295/FPORSOC22-EC6.pdf
https://www.nature.com/articles/s41390-023-02485-6
https://www.lapresse.ca/societe/2023-02-10/les-ecrans-pourraient-nuire-a-la-gestion-des-emotions-des-enfants.php?fbclid=IwAR3cCJrOOJCbnURRkZmIhznvVM7HSbbSGgqZzEnhD4WA35G3POm74h3d_98